L’approche stratégique de la planification de production industrielle
30/06/2023
Temps de lecture : 3min
Dans le but de faire un point à 360° sur la planification de production industrielle, Michael Valentin, directeur associé chez OPEO, fait le point avec Thibaut Wilhelm, CEO d'Oplit sur les différents besoins et axes stratégiques des industriels d'aujourd'hui.
Que cherche-t-on en général quand on utilise la planification de production industrielle comme levier de performance ?
Ce que l’on constate aujourd'hui, c’est qu’il y a plusieurs gros sujets, besoins, connectés à la planification comme levier de performance.
Tout d’abord, la résilience.
On l’a vu pendant le covid, mais aussi en post-covid avec toutes les crises qu’il y a pu y avoir, à la fois sur l'énergie, sur les composants, les semi-conducteurs, sur le transport... Pendant et à la suite de ces crises, les entreprises avaient tout intérêt à être résilientes mais également agiles.
On recherche aussi l'attractivité RH, parce qu' en fait, et c'est assez général au monde des usines, on ne sera pas attractif si on n'a pas les bons outils dans le monde industriel, c'est un vrai sujet.
Et trouver de bons planificateurs et de bons ordonnanceurs de production ce n’est pas si simple que ça. Ce sont des ressources assez rares qui, en général, apprennent vraiment sur le tas et qui ont en tête tout un tas de contraintes sans lesquelles vous ne pouvez pas faire tourner votre système.
Et donc si on n'a pas un système suffisamment attractif pour, en permanence, renouveler ces gens-là, et être capable de transmettre ce qu’ils savent faire, on va dans le mur.
Et puis après, bien sûr, il y a des sujets classiques de compétitivité puisque si on a bon système de planification, on a une bonne charge capacité, donc on optimise bien les capex et les investissements, et ça permet d'être sûr qu'on a le bon dimensionnement de son appareil en permanence, de manière agile, en fonction des variations du marché.
Les volets stratégiques de la planification de production industrielle
Si on détaille un petit peu ce que nous avons constaté chez OPEO, et c’est un constat établi grâce à l'ensemble de nos clients qui nous sollicitent ou que nous aidons, il y a quatre volets vraiment stratégiques qui tournent autour, à la fois du produit, du footprint et puis de manière générale, de la chaîne de valeur et enfin de l’industrie circulaire.
Le produit
Sur le produit, c'est quelque chose qui est long termiste, on a quand même une tendance assez massive, notamment sur les biens de consommation, à se poser la question d'une simplification de la partie hardware du produit et de mettre plutôt la complexité sur le logiciel pour être capable de simplifier les flux, la diversité et avoir du coût des systèmes industriels plus facile à gérer en termes de planification.
Parce que plus on a de SKU, plus on a de complexité, et évidemment plus la planification de production industrielle est alors plus compliquée.
Par exemple, dans le secteur automobile, on peut comparer ce que fait Tesla avec ce que font les constructeurs plus classiques. Ce dont les constructeurs classiques souffrent beaucoup, c'est que souvent ils lancent une nouvelle voiture et prévoient quinze, vingt versions différentes de la même voiture, mais il n'y en a qu'une ou deux qui marchent, mais par contre dans leur système industriel ils ont toutes les options possibles, donc ils ont tous les stocks et par conséquent en termes de planification c'est hyper complexe à gérer.
Par rapport à Tesla qui va plutôt mettre le paquet pour dire que sa voiture est simple, un peu comme un iPhone, elle est disponible en deux ou trois couleurs, elle a deux ou trois options de sièges, deux trois options de roues, il n'y a peu d'options de voiture et par contre ils mettent la valeur plutôt sur le logiciel.
Le footprint agile
Le deuxième sujet important qui est de plus en plus important, c'est le footprint agile. Avec ce qu’il se passe actuellement, on assiste à un gros retour du protectionnisme, à la fois des Chinois et des Américains… On vient d'un monde qui s'ouvrait beaucoup et on revient vers un monde qui se referme. Et donc ça, ça veut dire qu’à chaque fois que je réinvestis dans une nouvelle usine, que j'augmente la capacité de mes sites, il faut que je me pose la question “quel est l'endroit où je devrais investir par rapport au potentiel barrières douanières et normatives que je vais avoir ?”.
Et donc c'est hyper important d'avoir un “refresh” très fréquent, tous les six mois au moins, sur plusieurs questions : “c'est quoi mon footprint ?” “Les prochains investissements j’ai plutôt intérêt à les faire plutôt en Europe, en Asie, plutôt aux Etats Unis ?” Et “comment est-ce que j’alloue au mieux ces enveloppes d'investissement pour être le plus agile possible par rapport au marché que j'ai et au potentiel de croissance que j'ai côté commercial ?”.
La traçabilité
Le troisième sujet, c'est la traçabilité. Ce sujet est connecté de manière indirecte à celui de la planification mais c'est quand même important de réaliser que le client final est de plus en plus exigeant sur ce qu'il achète.
Il y a des normes qui sont de plus en plus exigeantes en Europe, on a la norme AGEC qui arrive sur les biens de consommation, et donc plus ça va, plus il faut être capable d'être très bon sur la donnée de bout en bout, donc j'impose à mes fournisseurs d'avoir aussi un suivi très fort. Et cela a plusieurs vertus, celle de la traçabilité pour donner de l'information au client final, sur la sécurité, l’origine des produits, mais aussi celle de la planification parce que si je crée cette chaîne de données à l'interface des usines, je vais être aussi beaucoup plus capable de faire du track and trace, et donc d'être transparent sur les différentes étapes de mon flux.
Un secteur qui est confronté à ça depuis des années c'est l'aéronautique puisqu'on est sur une chaîne complexe, avec des acteurs de rang un, deux, trois, quatre parfois et donc ils travaillent ensemble depuis assez longtemps pour créer cette transparence. Les efforts de planification ne s'arrêtent pas forcément à l'entreprise ou à l'usine mais ils sont forcément aussi souvent à l'interface avec le reste de la supply chain.
L’industrie circulaire
Enfin, le dernier sujet c’est l'industrie circulaire. On a de plus en plus de réflexions pour penser les flux, pas seulement linéaires, mais aussi les flux de retour sur les biens de consommation notamment. On a par exemple, dans l'automobile, des gens qui réfléchissent à récupérer des pièces qui sont dans le système, qui sont sur les voitures, qui sont en fin de vie, pour pouvoir les remanufacturer et donc les revendre neuves.
Donc si on veut faire ça correctement, ça veut dire qu'il ne va pas seulement falloir être capable de planifier les produits neufs, mais aussi de planifier en même temps ceux qu'on va remanufacturer, grâce à un système d'aiguillage au départ, parce qu'on ne sait pas exactement ce qu'il faudra faire sur la pièce.
Et donc, il faut à la fois penser ces flux pour pouvoir gérer les deux en parallèle. Et puis après, il faudra être assez agile pour pouvoir intercaler ces flux de remanufacturing dans le flux existant. On est au tout début du mouvement, c'est un mouvement de fond parce que de toute façon, la décarbonatation est un sujet, mais le vrai sujet pour la planète, en fait, c'est l'utilisation de la matière. La matière n'étant pas infinie, il faut qu'on limite l'utilisation de la matière, donc il faut qu'on recycle et qu’on remanufacture beaucoup plus.